Comme tout
ART, la musique est une création s'appuyant sur certaines techniques pour communiquer les ambitions esthétiques du compositeur (voir les deux sens du mot
ART). La
composition musicale désigne alors l'étape qui précède directement l'existence de l'
OEuvre musicale ; elle s’apparente à une conduite inconsciente mais apprise. Elle reste tributaire des schémas que nous lèguent notre culture et notre histoire, mémoire de l'écoute, mémoire de l'apprentissage des structures cognitives qui nous sont familières. Mais la composition atteint l'art de la création surtout quand elle dépasse l'assimilation, cherche la confrontation, s'oppose à la loi pour créer l'inoui. Les théories (induites ou créées de fait) y jouent donc un rôle important, mais peuvent tout à fait être conçues
a posteriori, découlant d'une réflexion musicologique sur l'oeuvre créée. La création
ex nihilo, abrupte, le
Happening, sont encore des formes de composition musicale.
Définitions
Jusqu'au début du
XXe siècle, la composition musicale se confondait avec « l'art de composer des airs agréables » et de les conformer aux règles du contrepoint et de l'
Harmonie. Apprendre la composition supposait alors une connaissance minimale de la théorie et de l'
Organologie. L'art d'écrire passait par la transposition sur un support visuel (la
partition) de ce que le compositeur cherchait à exprimer avec des sons. Le système de
transcription (ou
Solfège) servait à produire une
partition en notant au plus près les paramètres de hauteur, d'intensité et de durée que l'interprète aura à charge de recréer. De cette transcription a pu émerger une complexification de la
Forme musicale.
La technique compositionnelle y était alors déterminée à l'avance (Orchestration, solfège, harmonie, notation). Le timbre musical n'a pris une importance qu'avec les traités d'orchestration du XIXe siècle et cette recherche s'est étendue à des instruments de musique et/ou des objets de la vie courante intégrés dans une recherche créatrice (revolver apparu dans le ballet Parade de Satie, machine à écrire chez Leroy Anderson).
Depuis lors, le développement de la notion d'OEuvre musicale a intégré la composition dans ce processus créatif, qui s'effectue autant par un travail direct sur le Son musical que par une recherche de timbres et un arrangement de ceux-ci. L'enregistrement puis la Synthèse sonore (directe ou indirecte), ont amplifié les outils de la composition musicale. Les théories compositionnelles, pour élaborer certains processus neufs, doivent donc dépasser l’Empirisme de nos sensations immédiates et recenser des vues à plus long terme. On ne peut plus assimiler la composition, à la compréhension de ses mécanismes. Les critères artistiques de la création ne peuvent se dégager d’une étude de schémas généraux. L’analyse ne peut que dégager des critères figés dans l’oeuvre, et non l’ensemble du processus qui a abouti dans cette réalisation.
Pratique
Il va de soi, comme le soulignait
Kant, que nulle règle ne saurait créer l'oeuvre d'art.
"Les beaux-arts ne sont possibles qu'en tant que productions du génie. Il en ressort que le génie est un talent qui consiste à produire ce pour quoi on ne saurait donner de règle déterminée : il n'est pas une aptitude à quoi que ce soit qui pourrait être appris d'après une règle quelconque ; par conséquent, sa première caractéristique doit être l'originalité ;" Kant (Emmanuel), Critique de la faculté de juger, § 46.
La création musicale, de façon identique, adopte des stratégies théoriques (génériques) qui reflètent l’histoire et évoluent à l'intérieur même de chaque création : rien de figé dans la composition ; ces stratégies sont destinées à impulser le changement, le mouvement, à partir de bases collectives.
Théories et systèmes
Au cours des siècles, les règles et les systèmes ont surtout permis aux compositeurs de se créer une sémantique processuelle : non pas tant une musique qui ferait étalage de
procédures appliquées benoîtement, mais la stratégie du changement mise à l'ordre du jour, la composition comme détermination des phases de ce changement, en fait, l'aboutissement de ce que l'on dénomme aujourd'hui un processus compositionnel. Cette notion de processus a directement supplanté les autres notions de structuration de la musique : l'exemple le plus frappant à nos yeux est celui de la
Musique concrète. La musique concrète traitait des objets musicaux, mais ces objets sonores, éléments architectoniques, n'arrivaient pas à définir une
structure. Seule la composition a pu lui fournir ce caractère "musical", et permettre aux collages de bandes magnétiques et aux
musiques concrètes/acousmatiques d'atteindre le statut d'oeuvre.
Les règles écrites (ou théorie), parfois présentées comme des contraintes par les traités, sont, en fait pour le compositeur débutant, une aide précieuse pour éviter certaines platitudes ou lourdeurs. Les règles classiques interdisaient la formation de quintes ou d'octaves consécutives entre deux parties. La transmission de ce savoir-faire fait l'objet d'une relation professeur - élève semblable à une relation maître-disciple
Création et savoirs
La composition musicale, comme toute forme de création artistique, postule une traduction non réfléchie d'un univers qui dépasse le niveau sensible qui nous ouvre à la
Connaissance. Elle réclame donc une réflexion sur le bien-fondé des relations entre diverses formes de :
Son musical, matériau sonore d'une part (
son, instrument,
timbre, ..., mais aussi créations virtuelles d'espaces ou
illusions auditives), création de l'
oeuvre d'autre part. Les connaissances dans ces domaines ne cessant d'évoluer, elles permettent aux compositeurs d'envisager de nouvelles formes d'appréhension du monde sonore, palier vers une reconstruction musicale.
Dans un second temps, ce matériau appréhendé, la composition musicale se focalise sur certains points forts de la structure musicale, dans une direction fonctionnelle : comment peut « fonctionner » l'oeuvre pour un auditeur ? Des psychologues, des créateurs et, depuis peu, des informaticiens ont essayé de propager des réflexions communes au travers d'institutions spécialisées dans l'informatique musicale. Son terrain occupe tout à la fois le niveau local du matériau et le niveau global de la structuration de l'oeuvre.
L'inspiration, comme dans les autres arts, permet de créer du neuf, de dégager le nouveau à partir de l'absent. L'imaginaire du compositeur s'étend à tous les domaines : dans les formes, les effets sonores, l'instrumentation, etc., toute audace qui rendra l'oeuvre plus attrayante, permettra d'attirer l'auditeur de le surprendre ; la forme, par ses rappels de motifs permet de structurer l'audition, la mélodie par son unicité rend plausible la création etc.
Création contemporaine
La musique contemporaine a su élaborer, à partir des connaissances apportées par l’
Acoustique musicale moderne, de nouveaux modèles de représentation. Elle a donc joué par exemple de
phénomènes limites entre la fusion et l’intégration pour instaurer des mobilités nouvelles, des articulations syntaxiques permettant d’accéder à des textures sonores élargies. Ces modèles permettent une réception fonctionnelle, où l'auditeur attribue à des agrégats sonores une place dans la structuration de l'oeuvre. D’une dualité objets / structure, on est donc passé dans les années soixante à une dualité matériau / processus. La construction de l’oeuvre s’effectue par émergence de la complexité, comme la construction de l’univers s’est opérée par unités de complication croissante. De la connaissance à la représentation, et du modèle à la création, les phases créatrices de cette construction s’élaborent souvent en connivence avec la technique (facture instrumentale, technologie électro-acoustique, informatique musicale, …).
Commandes
Il arrive assez fréquemment que l'on demande à un musicien de composer « sur demande », pour une occasion, et/ou avec une source d'inspiration déjà trouvée (ex : certains
opéras au livret imposé, la plupart des oeuvres religieuses de Bach, ...). La composition, cependant, par son appartenance au mouvement de création artistique, ne saurait être provoquée. Les symphonies de Wolfgang Amadeus Mozart de 5 à 35, à de rares exceptions près, sont inconnues du public et peu jouées, car le jeune homme, en écrivant à rythme soutenu sur commande, a produit des morceaux dont les spécialistes jugent qu'il n'y a rien à reprocher quant à la qualité purement technique de ces morceaux, mais dont l'habileté musicale et l'inspiration est bien inférieure à celle des riches heures de création (les fameuses dernières symphonies, de 35 à 41).
Remarques
Yann Tiersen a écrit certaines de ses oeuvres sans rapport avec le film
Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain et a été contacté alors que le tournage avait déjà commencé. John Williams a écrit tous les thèmes de
Harry Potter sans approcher les tournages ; ce sont des oeuvres qu'il avait écrites mais pas créées (voir ci-dessous) et qu'il a choisi d'utiliser lorsqu'il a été contacté par l'équipe du premier film.
- Par glissement sémantique, le mot désigne parfois l'OEuvre musicale proprement dite, mais il s'agit là d'une confusion car elle n'en est que l'ébauche : l'oeuvre musicale n'existerait pas sans l'interprète. L'oeuvre sans interprète est un corps sans vie (anonyme).
- La création d'une oeuvre musicale (et non de la musique) ne désigne pas sa composition, mais sa première interprétation en public. En effet, c'est seulement à cet instant que la création passe du statut de composition à celui d'oeuvre.
Voir aussi
Guide pratique de composition musicaleLiens internes